Politique de la ville, décentralisation, gouvernance locale : le regard de Pierre-René LemasAgenda
Deuxième séance du séminaire 2024 - 2025 consacré à la politique de la ville et la décentralisation. Un échange exceptionnel avec l'un des grands acteurs de la 5ème république des années 1980 à nos jours : Pierre-René Lemas.

Pierre-René Lemas a mené un parcours professionnel contemporain de la naissance et du développement de la politique de la ville, et marqué par une alternance entre responsabilités locales et nationales. Après avoir été sous-préfet en Dordogne puis préfet du Val-de-Marne, il rejoint en 1983 le cabinet de Gaston Defferre, puis celui de Pierre Joxe, avant de prendre plusieurs fonctions clés, dont celle de directeur général des collectivités locales en 1989. Il retourne ensuite sur le terrain en tant que préfet de l’Aisne et adjoint au directeur de la DATAR. Au ministère de l’Équipement, il assume des rôles déterminants : directeur de l’Habitat et de la Construction, puis, en 1998, il devient le premier directeur général de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Construction. Dans son ouvrage Des princes et des gens, ce que gouverner veut dire (Edition du seuil, 2019), il évoque la décentralisation de l’urbanisme, soulignant que « techniquement difficile, mais politiquement simple », cette réforme a marqué un tournant.
Après une expérience de haut niveau à l’Élysée, notamment en tant que secrétaire général de la présidence sous François Hollande, Pierre-René Lemas termine sa carrière à la tête de la Caisse des dépôts, un poste symbolique au regard des enjeux de décentralisation.
Son parcours offre une vision unique des différentes couches de l’appareil d’État, avec une expertise rare sur la mise en œuvre des politiques publiques à tous les niveaux.
Pierre René Lemas est intervenu une première fois lors de la séance d’ouverture du 18 décembre. Il avait alors exposé les grandes lignes du processus de décentralisation à partir de 1982. Le temps avait manqué pour qu’il développât son point de vue sur l’inscription de la politique de la ville dans cette période de montée en compéteces des collectivités locales et d’ajustement des relations entre pouvoir central et pouvoir local.
Or, outre son expérience aux cabinets des ministres de l’Intérieur en charge de la décentralisation Gaston Defferre et Pierre Joxe, Pierre-René Lemas a occupé plusieurs positions au sein des services de l’État, alternant entre fonctions préfectorales et fonctions de direction centrale au sein du ministère de l’Équipement. Lors de cette deuxième séance (ou première bis), Pierre-René Lemas a accepté de revenir sur son expérience de la politique de la ville et de ses transformations entre 1982 et 2014. Nous l’interrogerons autour de trois thèmes :
• Comment la notion et la pratique du contrat, comme nouveau mode de relation entre pouvoir central et pouvoir locaux émerge-t-elle au cours des années 1980 ; d’où vient ce nouvel instrument de politique publique, quels en ont été les développements et les résonances ultérieures ? A-t-il réellement modifié la manière de conduire l’action publique ? Comment les Préfets s’en sont-ils saisis ? Dans quel rapport aux élus locaux ?
• Comment les développements et la prise de consistance de la politique de la ville a-t-elle été perçue du côté du ministère de l’Équipement ? Le corps des ingénieurs des Ponts a-t-il eu le sentiment d’être dépossédé de la question urbaine, qui était dans les années précédentes, l’une de ses prérogatives ? Comment le Ministère et ses fonctionnaires se sont-ils (ou non) accommodés de la politique de la ville ? Quels étaient les liens avec les organes de la politique de la ville, à commencer par la Délégation interministérielle à la ville ?
• Comment Pierre-René Lemas analyse-t-il les développements de la politique de la ville, notamment autour de la création de l’ANRU. Ce processus d’agencification, appelé ensuite à gagner d’autres secteurs de l’action publique est-il, selon lui, un approfondissement de la décentralisation (comme aujourd’hui par exemple l’ANCT dont la raison d’être est « d’être au services des collectivités territoriales »), une recentralisation, comme l’analysent certains chercheurs et de nombreux élus et acteurs de terrain, ou encore le signe d’un processus de « dépolitisation » de l’action publique ? De ce point de vue, la création de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine marque-t-elle le débout d’une nouvelle séquence ou est-elle au contraire l’aboutissement d’un processus commencé quelques années plus tôt ?